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Taux d'intérêt bas : fin de la partie ?
Le scénario d’une remontée des taux d’intérêt est de plus en plus intégré par les investisseurs immobiliers et les établissements prêteurs. Graduelle ou brutale, cette remontée va peser sur les niveaux de valorisation des actifs immobiliers et sur les conditions de financement.
Le scénario d’une remontée des taux d’intérêt est de plus en plus intégré par les investisseurs immobiliers et les établissements prêteurs. Graduelle ou brutale, cette remontée va peser sur les niveaux de valorisation des actifs immobiliers et sur les conditions de financement, estime Damien Giguet, président-fondateur de Shift Capital, cabinet de conseil en financement qui a conseillé pour plus de 1 Md€ de transactions.
Business Immo : Quelles seraient les conséquences de l’instabilité financière et politique sur le niveau des taux d’intérêt dans le monde et en Europe ?
Damien Giguet : Il n’y a pas aujourd’hui de consensus des économistes sur l’évolution des taux d’intérêt à court et moyen termes. D’un côté, l’OFCE vient de publier une étude dans laquelle elle anticipe des taux d’intérêt toujours aussi bas en raison de perspectives de croissance économique trop faible. De l’autre, des économistes tels que Patrick Artus, directeur de la recherche et de la stratégie de Natixis, s’inquiètent de la stratégie des banques centrales de maintenir des taux d’intérêt artificiellement bas qui ont pour effet de gonfler les valorisations des actifs, en particulier des actifs tangibles comme l’immobilier. L’instabilité politique favorise indéniablement une remontée des taux d’intérêt, à tout le moins une forte volatilité des taux. Aujourd’hui, ce risque n’est plus ignoré par certains investisseurs immobiliers.
BI : Une remontée des taux préfigure-t-elle une baisse des valeurs vénales des actifs immobiliers ? Quels types d’actifs immobiliers seraient les plus touchés ?
DG : La courbe s’est déjà inversée, avec une progression de 30 points de base aux États-Unis au lendemain de la victoire de Donald Trump à la présidentielle, tandis que le Swap 5 ans en Europe a repris 20 points de base en un mois. L’hypothèse d’une remontée des taux d’intérêt est aujourd’hui dans les scénarii de la plupart des investisseurs institutionnels immobiliers pour 2017. La corrélation entre les taux de capitalisation des actifs immobiliers et le niveau des taux d’intérêt est une réalité. La remontée rapide des taux d’intérêt entraînerait un risque de repricing des actifs, même si elle pourrait être absorbée dans un premier temps par une compression des primes de risque. Le repricing toucherait d’abord les actifs secondaires et les profils de risque value added, mais les actifs Core n’échapperont pas, à terme, à une réévaluation de leur taux de capitalisation dans ce scénario. La question qui se pose est de savoir quand les taux d’intérêt vont repartir à la hausse et surtout si cette hausse sera graduelle ou plus brutale. Le scénario le plus crédible reste celui d’une remontée graduelle, mais il suppose une coordination des politiques de la FED et de la BCE qui n’ont pas forcément des intérêts communs.
BI : Quels peuvent être les impacts d’une remontée des taux sur les conditions de financement immobilier ? Faut-il craindre un resserrement des conditions de crédits, voire un risque de credit crunch ?
DG : Une remontée graduelle des taux d’intérêt va permettre à certains établissements prêteurs de restaurer quelque peu leurs marges qui ont touché un plancher à 80 points de base sur certains actifs « prime ». L’impact négatif sur les valorisations peut également inciter les banques à resserrer leurs conditions de financement, notamment en termes de ratio de LTV. Une remontée plus brutale des taux d’intérêt pourrait crisper davantage le marché du financement immobilier, pouvant même aller jusqu’à des situations de credit crunch. Rien ne permet à ce jour d’anticiper une amélioration des conditions de financement dans les prochains mois. Au contraire, la bonne stratégie des investisseurs serait aujourd’hui de rallonger la maturité de leur dette immobilière, quitte à anticiper des refinancements d’actifs, pour se prémunir d’une remontée des taux.
BI : Une hausse des valeurs locatives peut-elle compenser suffisamment une tension sur les coûts de financement ?
DG : L’évolution des valeurs locatives dépend de l’amélioration des conditions de l’activité économique et des perspectives de croissance, mais aussi de facteurs micro-économiques, à commencer par le rapport entre le niveau de l’offre et la dynamique de la demande. Le marché parisien des bureaux reste très disparate avec des niveaux encore conséquents d’avantages commerciaux. Avant de parler de hausse des loyers, il faudrait d’abord réduire le gap entre le loyer facial et le loyer économique.